J.Y. Devevey ou l’appel de l’indépendance

Jean-Yves DEVEVEY, vigneron récoltant à Demigny (71)  

Le domaine a été créé en 1992 sur la base d’une petite exploitation familiale débutante de 3 hectares. Aujourd’hui, il s’étend sur plus de 8 hectares, dont 4 en propriété. Certifié biologique depuis 2014, Jean-Yves DEVEVEY a totalement abandonné l’usage des produits chimiques de synthèse dès 2003. Les vendanges sont manuelles. L’arrêt des désherbants a permis l’enherbement naturel de la vigne.
(Retrouver ici sa production)

Il n’est pas issu d’une dynastie de vignerons, mais d’une lignée de paysans. La noblesse de la terre, il la porte sur lui comme on porte un tablier. Jean-Yves Devevey défend chaque jour son terroir bourguignon du haut de ses 8 hectares de vignobles situés entre Nantoux et Rully. Ce vigneron-récoltant forte tête, ex-membre du GJGP et administrateur du Gest, n’imagine pas faire de la viticulture autrement que dans le plus profond respect des sols et de ses équilibres. Sans quoi, le tablier, il le jettera sans remords. Portrait d’un artisan aussi droit et poète que son vin.

Le respect sinon rien

A l’origine, c’était une activité appelée à disparaître. Le domaine familial de trois hectares, autrefois réservé à la polyculture, s’est transformé dans les années 1970 en vignoble sous le coup de sécateur du père de Jean-Yves Devevey. Avec les années, l’activité ronronne sans que la reprise du vignoble ne se profile. A la fin des années 1980, le futur artisan vigneron évolue encore dans le monde de l’export vinicole à Beaune.

Mais il finit par être rattrapé par son tempérament : « J’avais besoin de voler de mes propres ailes », admet Jean-Yves Devevey. Il prend alors cette option qui se présente à lui, parmi d’autres. Un peu par dépit. L’appel de l’indépendance, peut-être aussi le goût du risque, le besoin d’autonomie, de latitude de décision, tout appelle finalement le vigneron à changer de destin.

« Je crois qu’il y a aussi une question d’ego, l’idée que l’on est un peu derrière chaque bouteille de vin est motivante. »

Une des libertés que prend rapidement le vigneron, c’est de travailler au plus proche de la nature sur ce vignoble qui était jusque-là appelé à disparaître à l’horizon 2005. Même si dans l’immédiat le domaine doit être rentable, Jean-Yves Devevey, s’applique à le passer en système de production biologique, étape après étape. Derrière ce choix prévaut la quête poétique d’un perfectionnement technique mais aussi humain. « Le bio, explique-t-il, ça a été mon premier réflexe. Pour moi, cela a été synonyme d’une réflexion globale agronomique et technique. Je ne me suis jamais bercé de certitudes, j’ai toujours cherché à faire autrement, à faire mieux. »

C’est chose faite en 1995, année où le vigneron récoltant croise le chemin d’un certain Claude Bourguignon. Celui-ci, un microbiologiste spécialiste de la vie de la terre plutôt en avance sur son temps, participe à des réunions dans lesquelles il s’applique à alerter les différents cultivateurs de l’importance de la qualité des sols. Equilibre et richesse de la vie microscopique sont deux de ses chevaux de bataille.

En 1995, donc, lors d’une formation du GJPV (Groupement des jeunes professionnels de la vigne) Jean-Yves Devevey croise la route de ce personnage : « Il nous a expliqué que la première chose à prendre en compte, c’était le sol. De là, s’est enclenchée une série de décisions. » Jean-Claude Rateau, Emmanuel Giboulot et Pascal Marchand, les pionniers de la bio sont pour lui autant de sources d’inspiration. C’est aussi l’époque où il constate – désabusé – des traces d’herbicides dans tous les captages des eaux locales. Pour lui, un domaine tel qu’il le conçoit devrait pouvoir se passer d’herbicides.

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Extrait du blog de Jean-Yves Devevey : « Je connais Emmanuel Giboulot depuis très longtemps, c’est lui qui m’a guidé comme bien d’autres vignerons sur les chemins de l’agriculture biologique et biodynamique il y a vingt ans.

Au sein du Groupement des Jeunes Professionnels de la Vigne, nous avons, grâce à lui et à d’autres, suivi des formations, participé à des séminaires, assisté à des conférences pour comprendre ce qu’étaient nos pratiques culturales d’alors et leurs conséquences désastreuses pour l’avenir de nos vignes, de nos terroirs voire de la planète. Avec lui nous avons réfléchi puis avancé pas à pas vers une viticulture plus propre, respectueuse de l’environnement et des hommes.

Emmanuel, qui est aussi agriculteur céréalier, nous a alors fait prendre conscience du retard que nous avions, en termes de gestion des épandages de produits phytosanitaires, sur nos collègues agriculteurs (je rappelle au passage que les traitements sont quasi incontournables même en viticulture biologique). »

« Un taux de réservation sans précédent »

 

En 2014, son domaine est certifié bio – une reconnaissance autant qu’un accélérateur de notoriété. « J’ai eu un taux de réservation sans précédent. » Pourtant le domaine ne possède pas d’appellation à forte notoriété, que l’on achète sur le simple nom. « On n’est pas dans ce registre-là. Mon objectif, c’est de faire des vins qui reflètent leurs terroirs. Qui ont une identité forte. »

La spirale confortable

Retrouver une plante bien ancrée dans son sol, reconquérir une rusticité, c’est tout le défi actuel. A cette heure, la révolution a eu lieu aux champs. « Je crois que nous sommes en plein achèvement de cette révolution, estime-t-il, avec un retour à des pratiques plus respectueuses des sols et des vignes. Nous avons compris, pour faire court, que si l’on se passait d’herbicides, on pouvait laisser tomber les insecticides. C’est une spirale… »  Une spirale somme toute confortable, qui a convaincu une génération complète de ces travailleurs de la terre qui avaient auparavant connu la difficulté dans les champs ou dans les vignes. La chimie allégeait une peine considérable et a fait gagner du temps. Aujourd’hui, les techniques respectueuses ne font pas tout à fait marche arrière, puisqu’entre temps, la technique a évolué.

A la cave, cette révolution n’a pas encore eu lieu. Le vin est toujours sous domination des recettes techniques. « Avant, en cave, personne n’avait cet équipement électrique motorisé mécanisé qui a changé radicalement la façon de traiter le fruit, des vendanges à l’encuvage, du pressurage des raisins, à l’élevage des vins, au soutirage. » A technique novatrice, problématiques nouvelles, réglées avec encore d’autres solutions innovantes.

« Par exemple, l’usage de désherbant déleste du labour, mais déstabilise les équilibres biologiques et donc favorise le développement d’insectes prédateurs d’insectes phytophages. Ceux-ci sont combattus avec des insecticides qui accentuent le déséquilibre de la faune environnante et bientôt l’équilibre général. A l’opposé, un sol actif biologiquement est un sol qui nourrit idéalement la plante. En lui apportant des engrais, on perfuse en quelque sorte directement cette plante et l’on court-circuite son rapport fondamental au sol. » Résultat, les vins ont tendance à se standardiser.

« J’aime que les vins racontent un endroit. »

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A l’inverse, on a remarqué que chez les viticulteurs en biodynamie, l’expression du vin était plus subtile, plus complexe, plus intrigantes. Ce sont des vins qui interpellent. « Sur mes Hautes-Côtes (commune de Nantoux) j’ai 2 hectares sur deux parcelles distinctes, séparées de 5 mètres l’une de l’autre. » La vigne de mon Hautes-Côtes de Beaune 18 Lunes pousse sur une pente plus forte, les roches sont plus fines, fragmentées, j’ai plus de complexité, ma palette aromatique est plus large, j’ai plus de fruit et de fleur. J’obtiens une expression plus forte du terroir sur un sol calcaire à condition qu’il soit très vivant.  Il n’y a pas d’intérêt dans un vin si les sols ne sont pas actifs biologiquement. »

Extrait du blog : « Emmanuel et moi avons siégé quelques années à la commission technique du BIVB*, c’est à cette époque également que fut créé par lui et d’autres vignerons le GEST (Groupement d’Etude et de Suivi des Terroirs), association de vignerons bourguignons désireux d’avancer sur la connaissance des terroirs, de leur évolution en fonction des pratiques culturales et notamment des travaux du sol.

« Mon Champs Perdrix se situe sur un plateau, avec typiquement un sol maigre, sans argile. Le vin que j’en tire est linéaire avec une expression minérale forte, une expression très stricte, rocheuse, des arômes simples, très tendus, frais et droit. J’imagine que la base de la palette aromatique provient du contenu minéral du vin, de ce que les racines ont tiré du sol, mis en valeur par la vie microbiologique. Au départ, les arômes minéraux sont enveloppés. Après dix ans, cette enveloppe se déchire et reste cette colonne minérale avec son évolution.

« J’aime sentir que derrière le fruit, il existe quelque chose de plus complexe. Nous avons la chance que cela existe en Bourgogne naturellement. La salinité, pour moi c’est la base. On appelle cela minéralité car il y a de grandes chances que cela provienne de la structure minérale des vins. Les cousins du Bourgogne en la matière sont les vins du Jura que j’aime beaucoup. C’est après tout le même type de cépage, ce sont les cousins d’en face, de l’autre rive de la Saône. J’aime leur façon de faire de la viticulture. Elle est plus sympa. Il y a une ambiance de vie de montagne, peut-être plus de proximité et de solidarité entre les vignerons.

Extrait du blog / Après l’épisode catastrophique de grêle – Avril 2016 / « Nous allons poursuivre, à l’image de nos vignes, à l’image de nos ceps tordus par le temps et les assauts des sécateurs mais qui ne demandent qu’une chose: que l’on s’occupe d’eux quoi qu’il arrive et que l’on fasse du vin et du bon. Il nous faut tenir… tenir bon ! »

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